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While America is Under Attack

from Come In and Dig Up by Frostino

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While America is Under Attack

Tous les samples proviennent de vidéos amateurs. Toutes ces vidéos ont été filmées au moment précis de la conception de ce morceau.

Il n'y avait plus grand monde à la maison. Je venais de commencer un boulot, une semaine plus tôt. Mon premier "vrai" contrat. Pas un stage ou un truc saisonnier, de l'intérim ou n'importe quoi pour alléger les finances de l'année universitaire qui commençait. C'en était fini de ces préoccupations, l'année universitaire ne commençait que pour d'autres. Fallait s'y habituer.
Un "vrai" job de la "vraie" vie des adultes.
Ce week-end-là était donc mon premier "vrai" week-end. On était le mardi de ce week-end qui avait débuté le lundi. Fallait aussi s'habituer à ce décalage à la con. A ces week-ends où il n'y avait pas grand monde à la maison. Ça faisait partie de ce job. C'était ça, mon premier "vrai" week-end.

Ce mardi, j'emmerdais donc pas grand monde en branchant ma Telecaster. Sans but particulier. Pour une raison protéiforme et fuyante, quelque chose entre l'ennui, la nécessité et l'hygiène. De l'ordinaire. Ça fait jouer de la merde, de chevaucher sa guitare en pilote automatique. Ou au contraire, c'est parfois ça, ce degré zéro de l'intention, qui laisse le champ libre à la surprise, l'influx créatif aussi inattendu que spontané. Pile de la merde, face une pépite.
En ce tout début d'après-midi, c'était face. Un riff, un boulevard. Venu tout seul, sans préméditation.
Par réflexe, j'ai tout de suite enregistré cette première mélodie spontanée, sur le 4-pistes cassettes que Dom m'avait laissé. Ouais, un enregistrement cassette. On est en 2001, le magnétique est encore le Grand Gardien du souvenir sonore. Puis, sur cette mélodie amère, une ligne d'accords, glissante et nécessaire, et puis un solo. Pas l'habitude de faire des solos, mais là, c'est ce qui est venu. En une heure et trois pistes de guitares, un morceau était né, acté sur bande. Au nom près, une heure avait suffi pour lui donner une existence et une autonomie. Pourtant, j'étais doucement embarrassé par cette nouvelle présence que je n'avais pas anticipée. Comment allais-je trouver l'espace qui lui permettrait de battre des ailes ? Confier cette mission à Capseed, mon groupe d'alors ? Ça ne marcherait pas, trop éloigné du fer qu'on avait l'habitude de forger. Au fond, c'est ça qui me gênait, avec le premier recul : ce morceau qui venait de jaillir ne me ressemblait pas vraiment. J'étais certes sensible au résultat, mais il s'en échappait une couleur très américaine, trop américaine, trop typique, à la limite de l'exercice de style. Et puis, en avant-plan, ces trois minutes s'abandonnaient à une émotion tragique trop explicite, trop grandiloquente pour être défendable. La magie avait fait des siennes, j'avais donné naissance sans gestation, mais la créature gémissait une histoire qui ne me racontait pas.

Malgré les écouteurs branchés au 4-pistes, d'un côté, et soudés sur mes oreilles, de l'autre, j'avais plus ou moins conscience que la porte s'était ouverte. C'était Cathy, elle était déjà face à moi. Elle me dit :

- Viens voir, à la télé, il se passe un truc bizarre.

Le soap qui la maintenait habituellement, à cette heure digestive, légèrement au dessus de l'état de légume avait été sacrifié en plein milieu, à sa grande contrariété, pour des images d'immeubles en flammes, des prises de vue d'hélicoptères relayées par toutes les chaines télévisées. Deux Boeing, à quinze minutes d’intervalle, venaient de percuter l'une et l'autre des tours jumelles du World Trade Center. Manhattan, sidéré, laissait son ciel s’infecter d’une fumée noire, gorgée de menaces. A la vitesse de l’information, le reste du Monde arrêtait de respirer. Le présent, le passé et le futur se recroquevillaient sur ces images du ciel new-yorkais, sur le ton grave de ces journalistes, sur ces bandeaux catastrophistes qui défilaient en bas de l'écran. Le trouble qui m'observait de haut, depuis que j'avais enfourché ma Telecaster, une heure plus tôt, avait perceptiblement rapproché son souffle de ma nuque. Je restais interdit un bon moment devant la télévision, laissant s’évanouir la sensation d'une mauvaise fiction à l’américaine, au gré de la retransmission en direct des évènements. Un étrange sentiment de basculement dans un autre monde lui succédait. Un monde en guerre, peut-être.

En milieu d'après-midi, je redescendais vers mon 4-pistes encore allumé. Avant de l'éteindre, je réécoutais une dernière fois les trois minutes que j'y avais consignées. L'anomalie dressait toujours cet étendard étoilé dans une outrance exagérément dramatique. Mais depuis que Cathy était venue m'en éloigner, elle s’était drapée de sens. Il me semblait que le puzzle s’était mis en place, que chacune de ses pièces s'était ordonnée toute seule. Je ne pouvais admettre une telle déraison, mais ce morceau, composé sans savoir que l'Histoire s'écrivait dans les larmes, au même moment, de l’autre côté de l’Atlantique, ne pouvait qu'en être la chronique. Ça transpirait de chaque note. En temps réel, l'instant s'était illustré de lui même.

Aucun mardi n'a jamais tant senti le dimanche que ce 11 septembre 2001.

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from Come In and Dig Up, released October 30, 2011

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Frostino Nancy, France

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